14 octobre 2007

Au quotidien « Le Soir » - du Collectif Chiapas à Liège.

Au quotidien « Le Soir »
Il me semble, à vous lire régulièrement, que vous êtes un quotidien
soucieux de démocratie. S’agissant de la presse, cela signifie que vous
favorisez la réflexion, l’expression de points de vue différents et que
vous enquêtez. Vous recherchez les informations et les soupesez, vous les
diffusez et encouragez vos lecteurs à participer à des débats d’actualité.
Quant au souci d’objectivité, je pense quant à moi qu’on ferait mieux de
revendiquer la partialité claire, ceci sans aucune animosité. Il s’agit
plutôt de faire avancer le débat en l’éclaircissant.
Il y a peu, nous avons pu lire les articles concernant la Birmanie et voir
des photos où des dizaines de milliers de manifestants occupaient la rue,
avant d’être réprimés de façon sanglante. Des voix se sont heureusement
levées jusqu’à l’ONU contre une telle dictature. Par contre, j’ai
appris, en parlant et non en lisant, que dans le nord du Niger un millier
de nomades ont pris le maquis contre les projets de recherche d’uranium de
grandes entreprises qui les menacent.
Nous nous surprenons, quant à nous, de ne recevoir par le biais de la
presse que très peu d’informations concernant l’Amérique latine et plus
précisément la lutte au Mexique des communautés zapatistes et du peuple
d’Oaxaca, qui a des échos bien au-delà de ses frontières, et notamment
dans le continent où grandit le mouvement des indigènes décidés à se faire
respecter.
L’an dernier, nous avions pu lire dans votre journal que des
manifestations de cent mille personnes prenaient les rues d’Oaxaca contre
le pouvoir abusif d’un gouverneur héritier du pire colonialisme ; que les
gens s’organisaient, avaient fait fuir le pouvoir de la capitale de cet
Etat mexicain avant d’être la proie d’une répression qui a coûté la vie à
plusieurs d’entre eux. Et je sais que ce n’est pas fini, que les
zapatistes et les Oaxacains, et ceux d’Atenco s’organisent pour construire
un monde différent et meilleur.
Faut-il que le sang soit versé ? Craignons-nous que se développe une autre
vision des rapports au pouvoir ? Ou sommes-nous nous-mêmes à ce point
colonisés que nous ne pouvons envisager que les « sans visage » aient un
point de vue intéressant et valable ? Je ne pense pas quant à moi que la
possibilité d’une démocratie réelle passe par les chefs d’Etat et leurs
ministres. Au contraire, elle passe avant tout par nous qui sommes en bas,
avons besoin d’être informés et devons exiger d’être entendus, eux parlent
de « commander en obéissant ».
Quand je lis, cette fois par le biais d’internet, les communiqués de ces
Mexicains qui redéfinissent la démocratie comme un fait de tous les jours,
de toutes nos vies, et non du seul jour où on nous convie à voter, que les
gens qui sont au pouvoir, ceux « d’en haut » croient en une démocratie qui
n’est pas la nôtre, que l’important n’est pas tant d’aller voter mais de
construire une démocratie d’en bas, je me sens concernée et je me dis que
ces gens-là ont des choses à nous dire.
Ces jours-ci se déroule dans le nord du Mexique une rencontre des peuples
indigènes à laquelle participent des observateurs, notamment européens, et
où seront discutées
1) La guerre de conquête capitaliste chez les peuples d’Amérique
2) La résistance des peuples d’Amérique et la défense de la Terre Mère, de
leurs territoires et de leurs cultures
3) Les raisons de la lutte « indigène »
L’analyse, les formes d’organisation et de résistance de ces « indigènes »
ne nous parlent-elles pas ? Ils nous disent que nous pouvons prendre en
main notre destin non en donnant des leçons mais en développant le débat
et la prise de décision commune.
Je pense, et je ne suis pas la seule, que ces informations seraient
intéressantes et valables. Merci de les faire suivre de temps en temps.
Martine Gerardy, enseignante, membre fondateur du Collectif Chiapas à Liège.

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